Le Président de la République avait annoncé le 16 mars 2020 la suspension du paiement des loyers, factures d’eau, de gaz et d’électricité pour les plus petites entreprises en difficulté.
La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence sanitaire et l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 ont précisé les mesures annoncées.
Un décret n°2020-371 du 30 mars 2020, un deuxième n°2020-378 du 31 mars 2020 et un troisième du 2 avril, ont organisé le régime du paiement des loyers des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19.
LES BÉNÉFICIAIRES DU DISPOSITIF
Les conditions d’éligibilité au dispositif sont nombreuses et restrictives. Les bénéficiaires sont identifiés par la combinaison des textes ci-dessus.
Sur le fond
Pour pouvoir bénéficier du dispositif, les entreprises doivent remplir une condition liée à la crise :
Avoir fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public au mois de mars 2020 OU avoir subi une baisse d’au moins 50 % de leur chiffre d’affaires en mars 2020 par rapport à mars 2019.
Pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, et pour les personnes physiques ayant bénéficié au cours du mois de mars 2019 d’un congé pour maladie, accident du travail ou maternité, cette perte doit être calculée par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen jusqu’au 29 février 2020.
Elles doivent également remplir les conditions cumulatives suivantes :
- Être une personne physique ou morale de droit privé résidente fiscale française ;
- Exerçant une activité économique ;
Il peut donc s’agir de commerçants, artisans, professions libérales, artistes-auteurs… quels que soient leurs régimes social et fiscal.
- Occupant des locaux commerciaux ou professionnels ;
- Ayant débuté son activité avant le 1er février 2020 ;
- Ayant un effectif salarié inférieur ou égal à dix (calculé selon les modalités prévues par l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale) ;
- Ayant un chiffre d’affaires hors taxe inférieur à un million d’euros ; Si l’entreprise n’a pas clos un exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020, doit être inférieur à 83 333 euros.
- Ayant un bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l’activité exercée, inférieur à 60 000 euros au titre du dernier exercice clos. Pour les entreprises n’ayant pas encore clos un exercice, un calcul doit être fait à compter du début d’exploitation jusqu’à la date du 29 février 2020 et ramené sur douze mois, sous la responsabilité du déclarant ;
- Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne doivent pas être titulaires, au 1er mars 2020, d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse et ne doivent pas avoir bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d’indemnités journalières de sécurité sociale d’un montant supérieur à 800 euros ;
- Ne pas être contrôlée par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;
- Lorsqu’elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d’affaires et des bénéfices des entités liées doit respecter les seuils ci-dessus ;
! Les entreprises en état de cessation des paiements déclarée et celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une sauvegarde, d’un redressement et/ou bénéficiant d’un plan de continuation, peuvent prétendre à cette l’application de cette mesure.
Sur la forme
Ces entreprises doivent produire une déclaration sur l’honneur attestant du respect des conditions prévues et l’accusé réception du dépôt de leur demande d’éligibilité au fonds de solidarité ou une copie du dépôt de la déclaration de cessation des paiements ou du jugement d’ouverture d’une procédure collective.
L’OBJET DE LA MESURE : ABSENCE DE SANCTION POUR NON-PAIEMENT DES LOYERS
Les entreprises qui remplissent les conditions visées ci-dessus n’encourront aucune pénalité financière ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou d’activation de la caution, si elles sont dans l’impossibilité de s’acquitter des échéances de loyers et charges locatives entre le 12 mars 2020 et le 24 juillet 2020.
Cela signifie donc que les loyers et charges restent dus et qu’en tout état de cause, les loyers et charges locatives devront être réglés en temps et en heure à compter du 25 juillet 2020.
EN PRATIQUE
Les entreprises qui remplissent toutes les conditions visées vont pouvoir informer leur bailleur de l’impossibilité de régler les loyers correspondant à la période ci-dessus. Il leur est conseillé de le faire au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception ou tout autre écrit contre récépissé. Leurs bailleurs ne seront pas fondés à leur opposer un quelconque refus.
Pour autant, ces entreprises sont invitées à évoquer dès que possible avec leur bailleur les modalités d’échelonnement ou de report des échéances de loyers concernées.
L’accord à intervenir fera par précaution l’objet d’un écrit.
Restent les entreprises qui ne répondent pas à l’ensemble des conditions ci-dessus. Elles ont néanmoins la possibilité de négocier amiablement avec leur bailleur un rééchelonnement, un report du paiement de leur loyer, arguant des difficultés économiques qui sont les leurs et elles ont tout intérêt à le faire.
Elles pourront opposer à leur bailleur les outils résultant du droit commun des contrats sous les réserves habituelles (force majeure, imprévision, exception d’inexécution). Dans ce cas, elles devront se référer aux dispositions contractuelles de leur bail afin de respecter les modalités prévues le cas échéant.
Même s’ils ont été officiellement appelés à participer à l’effort collectif, il n’en reste pas moins que ces bailleurs n’ont pas juridiquement l’obligation d’accéder à la demande de leur locataire.
Le dispositif est très réducteur par rapport à ce que laissait supposer la lettre même de la loi d’urgence sanitaire. Les mesures sont très limitées dans le temps. Les associations, les petits bailleurs sont laissés de côté. Il n’a été prévu aucune mesure concernant les baux d’habitation, ce qui implique que ces loyers doivent être réglés à échéance.
Des contentieux sont à craindre en sortie de crise. C’est la raison pour laquelle ces sujets doivent être traités avec la plus grande précaution.
En cas de difficulté pour obtenir le report de paiement des loyers, les entreprises pourront saisir gratuitement le Médiateur des Entreprises en effectuant une demande en ligne sur le site mediateur-des-entreprises.fr.
L’équipe juridique d’Exco Valliance se tient à votre disposition.
Contact : Céline GIROIRE, Directrice Pôle Juridique – celine.giroire@exco.fr